A Découvrir: La fabrique des pandémies de Marie Monique Robin


Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire

En 1962 Rachel Carson (1907-1964), biologiste, publiait «Le Printemps Silencieux», la traduction française nous parvint en 1968. Bien que vilipendé par une classe d’irréductibles promoteurs de pratiques mortifères dans l’agriculture et l’industrie, l’ouvrage eu un énorme retentissement. Outre le fait qu’il entraîna l’interdiction du DDT aux États Unis en 1972, il ouvrit la voie d’une écologie consciente de l’impact de l’activité humaine sur tout l’écosystème.
Il n’a malheureusement pas ouvert tous les esprits, ainsi en 2020, un triste représentant de cette classe politique hautaine et ignare déclarait : «voir un lien entre pollution de l’air, la biodiversité et le Covid-19 relève du surréalisme, pas de la science» (Express du 30/3/2020). L’auteur de cette sentence dévoilant un mépris certain, Luc Ferry, ne fut pas moins ministre de l’Éducation Nationale et de la Recherche. Marie Monique Robin a interviewé pas moins de soixante deux scientifiques qui assurent et prouvent par leurs travaux que, comme le dit Shahid Nacem, professeur d’écologie à Columbia, «les humains ne peuvent pas vivre en l’absence d’écosystèmes sains et de biodiversité». 
Tous dressent un tableau terrifiant de l’état de la planète Terre. Tous sans exception avaient prédit une telle crise sanitaire, certains s’étonnent même qu’elle ne soit pas plus violente. Tous avaient alerté les politiques au pouvoir, les avaient informés sur l’état de leurs travaux, et avaient délivré avertissements et préconisations. «On savait. Sur tous les continents, en effet, des scientifiques de différentes disciplines (infectiologues, parasitologues, écologues, géographes, mathématiciens, démographes, ethnobotanistes, médecins, vétérinaires, etc.) ont montré que le meilleur antidote contre l’émergence de maladies infectieuses est la préservation de la biodiversité. Ils ont identifié les mécanismes à l’œuvre, comme l’« effet dilution » grâce auquel une riche biodiversité locale a un effet régulateur sur la prévalence et la virulence des agents pathogènes, dont l’activité est maintenue à bas bruit dans les écosystèmes équilibrés.
On savait. Mais les politiques font la sourde oreille, en continuant de promouvoir une vision techniciste et anthropocentrée de la santé, qui fait la part belle aux intérêts des multinationales pharmaceutiques et de l’agrobusiness...»
La plupart des scientifiques contactés par M. M. Robin, sur les recommandations de Serge Morand, écologue et biologiste de l’évolution, spécialiste en écologie parasitaire, ont des activités pluridisciplinaires et ont une vision globale . La propagation des virus n’est pas dû au hasard mais à l’activité humaine et aux structures de nos sociétés : déforestation, élevages intensifs, monocultures, globalisation, développement urbain... Depuis de nombreuses années des recherches sont menées sur les primates, les chauves souris, sur les écosystèmes fragilisés ou détruits... les conclusions sont sans appel. Ainsi Serge Morand déclare : « la solution n’est donc pas de se préparer au pire d’une prochaine pandémie, mais de l’éviter en s’attaquant aux causes, c’est-à-dire aux dysfonctionnements des relations entre les humains et les non-humains, dont les animaux domestiques et la faune sauvage. La mobilité globale des marchandises, des produits de l’agriculture, du capital, des humains comme des connaissances dans un monde de plus en plus urbanisé doit se repenser en considérant que la biodiversité, l’agriculture, la diversité culturelle, mais aussi la justice sociale, économique et sanitaire sont des biens pour les citoyens et leurs communautés. Le futur commun que nous voulons nous oblige à réorienter les relations actuelles de nos sociétés à notre environnement naturel. C’est un appel pour fonder une social-écologie de la santé et du bien vivre ensemble...»
Les témoignages de tous ces scientifiques, bien qu’anxiogènes, donnent des éléments de compréhension sur les évènements actuels et présentent des ébauches de modèles à mettre en action pour sortir du marasme et des risques d’effondrement. Le mathématicien Safa Motesharrei résume parfaitement la situation : «nul besoin d’être fort en maths pour comprendre qu’une croissance quantitative illimitée -toujours plus de production et plus de consommation- sur une planète limitée en termes de ressources et de capacité d’absorption des déchets est mathématiquement impossible. En revanche je ne vois pas de limite à la croissance de la créativité, de l’intelligence, de la santé physique et mentale ou de la qualité de vie.



Michel Puech

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